Vincent Le Guennou : L'effort pour combler le déficit de financement des infrastructures en Afrique
Des investissements importants sont nécessaires pour combler le déficit de financement des infrastructures en Afrique. Vincent Le Guennou, directeur général du nouveau Fonds d'accélération pour les infrastructures d'Africa50, explique comment le fonds cherche à produire un effet multiplicateur sur le financement à travers le continent.
Dans le domaine des infrastructures en Afrique, combler le déficit de financement est un défi majeur. La Banque africaine de développement estime qu'entre 130 et 170 milliards de dollars US sont nécessaires au développement des infrastructures chaque année, ce qui laisse un déficit d'environ 100 milliards de dollars US.
De nombreux efforts sont déployés pour résorber ce déficit, mais le taux d'échec des projets est élevé. Des méthodes de financement innovantes sont donc essentielles pour répondre à ces besoins cruciaux en matière d'infrastructures, alors que, par exemple, près de 600 millions de personnes en Afrique subsaharienne n'ont pas accès au réseau électrique.
Pour aider à débloquer ces financements, la plateforme panafricaine d'investissement dans les infrastructures Africa50 a lancé le Fonds d'accélération pour les infrastructures, ou IAF, en 2021. Ce fonds de capital-investissement, d'une durée de 12 ans, vise à attirer des investisseurs afin de produire un impact transformateur, de créer des emplois et d'accélérer la révolution industrielle verte de l'Afrique.
Visant à lever à terme 500 millions de dollars US d'engagements, Africa50-IAF a atteint sa première clôture en décembre 2023 après avoir recueilli 222,5 millions de dollars USD et va à présent commencer à déployer des capitaux. Le fonds a attiré 16 investisseurs institutionnels africains, dont la Banque africaine de développement, ainsi que la Société financière internationale.
Africa50 espère que ce fonds créera un précédent et aura un effet multiplicateur. "Faire de ce fonds une réussite permettrait d'augmenter les capitaux alloués aux infrastructures en Afrique", a précisé Vincent Le Guennou, directeur général d'Africa50-IAF. Lors d'un entretien accordé à Devex, il a expliqué pourquoi le nouveau fonds est nécessaire et comment il contribuera à accroître les flux financiers destinés aux projets d'infrastructure en Afrique.
Cette conversation a été modifiée par souci de concision et de clarté.
Quels sont les principaux besoins en matière de mobilisation de fonds pour les projets d'infrastructure en Afrique ?
Selon la Banque africaine de développement, pour combler le déficit de financement, il faudrait mobiliser environ 100 milliards de dollars US par an. Par ailleurs, le taux d'échec des projets d'infrastructure est très elevé, le cabinet de conseil en gestion McKinsey & Company estimant que seuls 10 % d'entre eux atteignent le stade de la clôture financière. En ayant ces deux éléments à l'esprit, on a un début de réponse à la question.
Quel rôle Africa50-IAF joue-t-il pour répondre à ces besoins ?
Nous ciblons quatre secteurs d'investissement : l'électricité et l'énergie ; l'eau et l'assainissement ; le transport et la logistique ; et l'infrastructure numérique et sociale. Nous pouvons jouer le rôle d’actionnaire minoritaire actif ou prendre une participation majoritaire. L’objectif est d'avoir un portefeuille équilibré entre les investissements majoritaires et minoritaires.
Nous investirons dans des projets et des entreprises matures plutôt que de développer des projets dès le départ, ce qui est davantage l'objectif d'Africa50 - Développement de projets, l'un des trois piliers stratégiques d'Africa50. En procédant ainsi, nous évitons également le risque que présente la phase d’amorçage des projets.
Cela pourrait être, par exemple, un projet d'énergie renouvelable en Afrique de l'Est, pour lequel les promoteurs s'adressent à nous une fois que les études de faisabilité ont été réalisées et les contrats de concession signés, et nous demandent ensuite d'intervenir lorsqu'ils finalisent la levée de fonds. Ou il pourrait s’agir d'une entreprise spécialisée dans les tours de télécommunications qui a fait ses preuves, mais qui est en plein essor et a besoin de plus de capitaux.
Quelle est l'importance de la première clôture financière d’Africa50-IAF, qui a permis d'obtenir 222,5 millions de dollars US d'engagements ?
Avec 222,5 millions de dollars US recueillis par rapport à l'objectif final de 500 millions de dollars US depuis la création du fonds il y a deux ans, nous avons atteint un seuil critique. Nous avons la participation de 16 investisseurs africains, notamment des fonds souverains, des fonds de pension et de sécurité sociale, des compagnies d'assurance, des banques et des institutions de financement du développement. Après avoir atteint la première clôture, nous pouvons commencer à déployer des capitaux dans des projets et nous avons 12 mois pour atteindre l'objectif final.
Nous voulons nous diversifier à travers le continent et, lorsque nous aurons atteint l'objectif de 500 millions de dollars US, nous avons l'intention de réaliser 10 à 12 investissements, chacun de 40 millions de dollars US ou plus. Pour contribuer à une plus grande diversification, nous apprécions également de travailler avec des sociétés qui exercent leurs activités dans plusieurs pays.
Quelle est la mission d'Africa50-IAF ?
Nous avons ce que nous appelons un double objectif : d'une part, les projets doivent produire des rendements commerciaux pour les investisseurs. D'autre part, ils doivent favoriser le développement social et économique, contribuant ainsi à la réalisation de certains des Objectifs de développement durable des Nations unies.
Notre objectif à long terme est également de démontrer que l'investissement dans les infrastructures en Afrique peut produire des rendements adéquats, de sorte que les investisseurs institutionnels du continent considèrent de plus en plus les infrastructures comme une classe d'actifs intéressante et y consacrent davantage d'argent. De cette manière, nous nous attendons à une sorte d'effet multiplicateur au fil du temps.
Selon la Banque africaine de développement, les actifs gérés par les fonds de pension, les compagnies d'assurance, les fonds souverains et d'autres investisseurs institutionnels sur le continent sont estimés à 2 500 milliards de dollars US. La question est la suivante : comment inciter ces entités à allouer une plus grande partie de leurs ressources au financement des infrastructures en Afrique ? L'un des moyens consiste à démontrer que c'est faisable et que les rendements financiers peuvent être intéressants.
Quels sont les avantages d'avoir attiré jusqu'à présent des investisseurs principalement africains ?
Sur les 17 investisseurs qui se sont engagés à participer à la première clôture du fonds, 16 sont des investisseurs institutionnels africains, ce qui est unique à ma connaissance. Nous pensons qu'il sera plus facile d'attirer des investisseurs institutionnels non africains maintenant qu'ils peuvent constater que les investisseurs africains eux-mêmes croient fortement au continent et aux infrastructures qui s'y trouvent.
Catégorie: Communiqués de presse