Opinion : Les projets bancables sont la clé du succès des investissements États-Unis-Afrique
Un parc solaire au village pour les jeunes AgahozoShalom au Rwanda qui a permis d'augmenter la capacité de production d'électricité du pays de 6 %. Photo par : Sameer Halai / USAID / Power Africa / CC BY-NC
Les relations entre les États-Unis et l'Afrique sont de nouveau sous les projecteurs, et l'investissement est au cœur des discussions. L'établissement de relations mutuellement bénéfiques dépendra de la mise en place d'un pipeline crédible de projets bancables et durables sur le continent africain.
Le lancement de la stratégie des États-Unis pour l'Afrique subsaharienne et le Sommet des dirigeants États-Unis-Afrique de 2022 ont posé les jalons pour que 2023 soit une année d'action en matière de développement des infrastructures. Ceci à un moment critique pour l'Afrique.
Au cours des deux dernières décennies, on a assisté à une évolution marquée et bienvenue de l'aide vers le commerce et, aujourd'hui, vers l'investissement. D'ici 2050, un quart de la population mondiale sera africaine, ce qui fera du continent un acteur de plus en plus important pour façonner l'avenir du monde. Le sommet de 2022 a abordé des questions essentielles telles que la croissance économique inclusive, la création d'emplois, le changement climatique et le développement d'infrastructures à grande échelle qui répondent à ces trois impératifs.
Mais comment l'Afrique et les États-Unis peuvent-ils tirer parti de leurs ressources pour développer les infrastructures avec l’ampleur dont l'Afrique a besoin ?
Avec les partenariats adéquats, les pays africains parviendront à trouver un équilibre entre le développement des infrastructures, la croissance économique et le développement durable.
Le gouvernement américain dispose d'une série d'outils et de services pour soutenir les projets d'infrastructure africains et faciliter les investissements, tandis que le secteur privé américain possède une expertise de pointe dans des secteurs hautement prioritaires tels que l'énergie propre, les soins de santé et l'infrastructure numérique. De leur côté, les institutions financières africaines connaissent les marchés locaux et ont le savoir-faire nécessaire pour identifier les promoteurs de projets appropriés et accélérer l'exécution des projets. La coordination de ces ressources déterminera le succès du partenariat Afrique-États-Unis en matière d'infrastructures.
Saisir l'opportunité des infrastructures
Les partenariats visant à investir dans le développement des infrastructures seront un facteur essentiel de croissance durable et de prospérité pour l'Afrique. Si le mot "infrastructure" évoque des routes et des ponts, sa définition est beaucoup plus large et souligne son importance : il englobe également les infrastructures numériques et énergétiques propres. Les investissements dans les centres de données, les stations de base, les tours de transmission et les réseaux électriques avancés à toutes les échelles, par exemple, sont essentiels pour poursuivre et renforcer la numérisation en Afrique.
Avec l'augmentation de sa population, l'expansion de la classe moyenne et l'urbanisation rapide, le continent connaît l'une des plus fortes croissances de la demande d'infrastructures. Les opportunités d'investissement du secteur privé américain sont nombreuses, le continent étant confronté à un déficit de financement des infrastructures estimé à plus de 100 milliards USD par an.
L'une des priorités pour renforcer les opportunités d'investissement dans le vaste secteur des infrastructures en Afrique est d'augmenter le nombre de projets "bancables" prêts à l'investissement. Pour ce faire, il faudra injecter des capitaux importants dans les phases de préparation et de développement des projets, qui sont des étapes critiques du cycle des investissements dans les infrastructures.
De nombreux investisseurs connaissent bien les outils de financement du gouvernement américain pour les marchés émergents, notamment les emprunts, les fonds de roulement et les mécanismes de garantie, mais il est intéressant de savoir que le gouvernement américain finance également la préparation des projets d'infrastructure par l'intermédiaire de l'Agence américaine pour le commerce et le développement (U.S. Trade and Development Agency-USTDA). La préparation des projets est l'une des étapes les plus risquées du cycle d'un projet, 80 % des projets d'infrastructure africains échouant au stade de l'étude de faisabilité et du plan d'affaires. Les subventions accordées par l'USTDA pour la préparation des projets permettent de réduire les risques et de débloquer des projets sur le continent, ouvrant la voie aux financements publics et privés.
Les acteurs de la préparation des projets tels que l'USTDA sont des partenaires tout désignés pour les institutions financières de premier plan présentes sur le terrain, telles qu'Africa50, qui identifie les projets, réunit les fonds publics et privés et accélère la mise en œuvre des projets. Afin d’accélérer le développement des infrastructures africaines, Africa50 travaille avec les développeurs de projets pour préparer des études environnementales, sociales et de gouvernance, consulte les acteurs et les utilisateurs finaux, rédige des accords juridiques et de concession, investit et structure le financement. C'est ainsi que la société est intervenue sur l'ensemble du continent dans des secteurs tels que l'électricité, les transports, la logistique et les TIC.
En travaillant ensemble, des institutions complémentaires telles que l'USTDA et Africa50 peuvent à la fois accélérer et étendre le développement des infrastructures prioritaires en Afrique. Le projet poa! Internet au Kenya en est un bon exemple. En janvier 2022, Africa50 a finalisé une prise de participation et mené un tour de financement de 28 millions USD pour soutenir la croissance du fournisseur d'accès à Internet (FAI) dans les communautés urbaines à faibles revenus au Kenya et à travers l'Afrique. L'USTDA a ensuite approuvé le financement d'une étude de marché et de faisabilité pour informer l'expansion du FAI dans trois pays et faciliter le déploiement de son capital dans de nouvelles infrastructures de télécommunications pour les populations mal desservies. Aujourd’hui, 42 % des clients de poa! utilisent l'internet pour suivre une formation officiellement reconnue et 28 % d'entre eux l'utilisent pour gagner un revenu.
Soutenir les objectifs climatiques de l’Afrique
Ce type de collaboration sera essentiel pour que l'Afrique atteigne ses objectifs relatifs au climat. Touchés de manière disproportionnée par le changement climatique, les pays africains sont à la recherche de solutions à faible ou à zéro émission de carbone pour permettre l'adaptation, la résilience et la croissance économique. Le déploiement de technologies innovantes est impératif pour atteindre ces objectifs, et c'est pourquoi les entreprises américaines veulent s'associer aux secteurs privé et public de l'Afrique sur leurs priorités en matière d'infrastructure.
Promouvoir ces partenariats a été l'un des principaux sujets de discussion lors du Sommet des dirigeants États-Unis-Afrique et est devenu un élément de la politique étrangère des États-Unis, comme en témoignent la Stratégie des États-Unis pour l'Afrique subsaharienne et le Partenariat pour l'infrastructure et l'investissement mondiaux, lancés l'an dernier par le président des États-Unis, Joe Biden, et les dirigeants des principaux pays industrialisés du G7.
Des partenariats sur les infrastructures durables de l'Afrique se manifestent également par l'émergence de nouvelles initiatives telles que l'Alliance pour l'infrastructure verte en Afrique (AGIA). Lancée lors de la 27e conférence des Nations Unies sur le changement climatique et dirigée par l'Union africaine, la Banque africaine de développement et Africa50, l'AGIA vise à mobiliser jusqu'à 500 millions USD de fonds de départ pour la préparation et le développement de projets d'infrastructure, dans le but de générer jusqu'à 10 milliards USD d'opportunités d'investissement, afin d'accélérer la transition de l'Afrique vers la neutralité carbone. L'AGIA regroupe des institutions financières internationales publiques et privées d'Afrique, d'Europe et des États-Unis.
La coordination des ressources de l'AGIA permettra d'accroître la participation du secteur privé au développement d'infrastructures durables en Afrique. Avec l'USTDA parmi ses partenaires, l'AGIA offre la possibilité de tirer parti de la technologie et des investissements du secteur privé américain.
Si de grandes multinationales américaines sont présentes en Afrique depuis plusieurs décennies, de nombreuses entreprises américaines ne se sont pas encore pleinement engagées sur le continent. Le secteur du commerce interentreprises en Afrique devrait atteindre 3 500 milliards USD au cours de la décennie ; les investissements et les partenariats entre les entreprises américaines et africaines peuvent constituer une source importante de croissance mutuelle au cours des prochaines décennies.
Certains points positifs méritent d'être soulignés. Par exemple, 38 % des investisseurs actifs dans le secteur du capital-risque en Afrique en 2021 étaient issus des États-Unis, et le Sommet des dirigeants États-Unis-Afrique qui s'est tenu en décembre 2022 a débouché sur des partenariats et des engagements d'investissement de plus de 15 milliards USD.
Le développement d'un solide pipeline de projets d'infrastructure africains bancables et durables nécessitera la coordination des ressources techniques et financières des secteurs privé et public en Afrique et aux États-Unis. Avec les parrtenariats adéquats, les pays africains parviendront à trouver un équilibre entre le développement des infrastructures, la croissance économique et le développement durable.
Par : Alain Ebobissé, Enoh T. Ebong
Catégorie: Communiqués de presse