Financement des infrastructures : comment le secteur privé peut-il prendre la place qui lui revient ?
La participation du secteur privé aux projets d'infrastructure en Afrique est insuffisante. Tel est le consensus des panélistes du deuxième webinaire organisé par l'Africa CEO Forum, en partenariat avec Africa50, la plateforme d'investissement pour les infrastructures mise en place par plusieurs gouvernements africains et la Banque africaine de développement (BAD). Selon le FMI, les organismes publics africains détiennent 95 % des projets d'infrastructure du continent. Mais les investissements sont beaucoup trop faibles, couvrant à peine 40 % des financements nécessaires.
Secteur privé, gouvernements et institutions : le mot d'ordre est "coopération" !
Pour combler ce déficit chronique, il est essentiel de favoriser la coopération entre le secteur public et le secteur privé, notamment en établissant un cadre pour les partenariats public-privé (PPP). Plusieurs pays africains ont su exploiter le potentiel des PPP et en faire un élément central de leur stratégie en matière d'infrastructures. Pour Akim Daouda, Directeur général du Fonds gabonais d'investissements stratégiques, le rôle de ces nouveaux PPP est parfaitement illustré par le projet de la centrale hydroélectrique de Kinguele, dont 60 % des parts ont été rachetées par Meridiam, une société spécialisée dans l'investissement dans les infrastructures publiques et la gestion d'actifs, et 40 % appartiennent à l'État gabonais. La Guinée a également bénéficié d'investissements privés dans le secteur de l'énergie, en multipliant par dix son approvisionnement en électricité au cours de la dernière décennie. Néanmoins, Gabriel Curtis, le Ministre guinéen de l'Investissement et des Partenariats public-privé, a souligné le fait que, malgré certaines réussites et la forte volonté des gouvernements d'investir dans les infrastructures, leur capacité d'endettement, indispensable pour financer des projets de cette envergure, était insuffisante. "Nous sommes prêts à investir dans les infrastructures. Malheureusement, nous sommes limités par les organisations multilatérales, comme le FMI, qui nous imposent des prêts concessionnels", a-t-il regretté.
Selon Frannie Léautier, Directrice générale de Southbridge Investment, dans ce contexte, d'autres acteurs doivent entrer en jeu, à savoir les banques nationales afin d'alléger la dette publique, et des investisseurs institutionnels axés sur le financement. Cette association pourrait, selon elle, combler le déficit de financement des infrastructures en Afrique.
Zéro numérisation sans infrastructures
"Nous sommes au cœur d'une pandémie mondiale", a expliqué Gyude Moore, ancien Ministre des Travaux publics au Liberia (2014-2018) et actuellement chercheur principal en politique au Center for Global Development à Washington DC. "Tout le monde achète en ligne. Lorsqu'on commande un produit sur un site web, il doit passer par un port pour arriver à un entrepôt et de là à un centre de traitement". Selon lui, cet essor du commerce en ligne devrait alerter l'Afrique sur le besoin croissant d'infrastructures, sans lesquelles la révolution numérique ne peut avoir lieu.
Alors que la numérisation s'étend à tous les secteurs, Frannie Léautier estime que les Etats, qui possèdent la plupart des infrastructures, devraient développer des instruments innovants et des solutions numériques pour créer de la valeur ajoutée et utiliser les fonds ainsi obtenus afin de prendre davantage de risques en construisant de nouvelles infrastructures. Toutefois, elle a également souligné la nécessité de tenir compte des exigences environnementales lors du développement des infrastructures, afin de garantir leur résilience face aux risques climatiques.
Voir au-delà des risques
Tous les panélistes se sont accordés à dire que le principal risque pour les investisseurs privés dans les infrastructures africaines se situait au niveau du développement de projet. Selon Alain Ebobissé, Directeur général d'Africa50, dont la mission est de combler le déficit de financement des infrastructures en Afrique, l'investissement en Afrique n'est "pas plus risqué qu'ailleurs dans le monde".
Lamia Merzouki, Directrice générale adjointe de Casablanca Finance City Authority (CFC), qui opère dans plus de 50 pays africains, partage cet avis. "Quatre-vingt pour cent des projets d'infrastructure n'atteignent jamais la phase de construction. C'est pourquoi le plus grand défi est d'avoir des promoteurs qui prennent plus de risques et sont autorisés à travailler sur des projets à un stade très précoce". Pour Akim Daouda, favoriser une meilleure compréhension de l'environnement des affaires en établissant de meilleurs liens avec les gouvernements et les fonds souverains fait également partie de l'équation.
Alain Ebobissé considère que la voie à suivre est évidente : "Nous devons attirer les fonds mondiaux tout en capitalisant sur les ressources africaines". A bon entendeur !
Pour en savoir plus, cliquez ici pour regarder le webinaire, “Infrastructure: is the African private sector the missing dot?”
Source : The Africa CEO Forum
Catégorie: Couverture de presse